Les galeries s’étendaient en un labyrinthe de murs blancs, aux formes inattendues. Les œuvres y étaient accrochées en repères. Je marchais depuis longtemps dans ce chaos contemporain. La lumière oblique tombait par les ouvertures, révélant des textures que le regard n’atteignait jamais complètement. Une trame régulière persistait. Sous mes pas, des carrés lisses à la texture à la fois brillante et veloutée. Ni bois, ni béton : ici, le gypse s’était lié dans un mélange dihydraté. Leur couleur grise oscillait avec la lumière, comme si elles hésitaient : à quel monde appartenir, minéral ou industriel ?
Je ralentis.
Des perforations régulières, toutes identiques, rythmaient les dalles : 324 trous de 6 mm de diamètre, espacés d’un pas de 32 mm. Quel était ce langage codé que je n’étais pas censé comprendre ? Que pouvaient bien laisser passer ces orifices ? Une frontière entre le monde de l’édifice et le monde des humains.
Une voix douce me tira de ma réflexion.
— Ça vous intrigue, n’est-ce pas ?
Je levai les yeux : une médiatrice, badge au col, me regardait, complice.
— Si les murs sont usés par les regards, les sols le sont par les pas. Et pourtant, après quinze ans d’ouverture, elles tiennent bon, répondis-je.
— Ce ne sont pas des dalles ordinaires. Elles sont en sulfate de calcium. Une matière choisie en résonance avec l’histoire industrielle de la région. De nombreux gisements sont présents en Moselle. Chaque dalle est perforée pour laisser passer l’air : c’est un plancher technique ventilé.
Je l’écoutais, galvanisé comme l’acier qui soutient le bâtiment. Ce matériau dont j’ignorais le nom quelques minutes plus tôt, devint un médium invisible de l’expérience : un sol qui n’était pas seulement là pour être foulé, mais pour participer au climat — physique et sensible — du lieu.
— N’hésitez pas si vous avez d’autres questions.
En quittant le Centre Pompidou-Metz ce jour-là, je me sentais enrichi d’une nouvelle connaissance. Ce sont les détails souvent invisibles qui font la magie des lieux.
