Où on se confine à la campagne
En ce temps le syndrome était fort inconnu
Et chacun d’entre nous eut à se résigner
À se cadenasser dans son propre foyer :
De ses quatre cloisons on se fit détenu.
Semble-t-il que ces murs perdent de l’épaisseur
Lorsqu’on va les quêter au milieu des champs
Une poignée d’amis se résolut sur l’heure,
À quitter la cité pour se faire manant.
Un de nos déportés - fortunée circonstance -
Avait précisément quelque ancêtre breton
Qui offrit sans délai son humble dépendance :
Petit havre de paix où paissent les moutons.
Dès les primes journées d’internement forcé
Ils vécurent l’ennui, aussi mortel encore
Que ce qui les trainait au pays des pécores
C’est alors qu’on perçut le voisin métayer :
Qu’il était dans son jus, ce campagnard bourru,
De la boue jusqu’au yeux, le regard volontaire :
On l’aurait inventé qu’on y aurait pas cru !
Allons nous amuser, regardez-donc moi faire :
« Bonjour mon cher monsieur, êtes-vous bien crédule
Rester ainsi parqué dans ce simple refuge !
Vous serez avisé de quitter votre bulle
Ce virus est un faux, un mauvais subterfuge !
C’est un abject complot d’êtres fort dangereux,
Ils ourdissent masqués et mentent aux peureux.
Il vous faut embrasser une vraie vue globale
Soyez l’aigle affranchi, bravez cette cabale ! »
Ce soir là l’équipée, avec délectation,
Se rejoue le discours et moque le luron.
Égayées leurs journées en furent plus légères,
On se sentit ailleurs, comme un parfum dans l’air.
L’homme de son côté suivit leur bon conseil
Vint éventrer leurs pneus d’un tesson de bouteille.
Quand chagrin veut sortir, c’est à vous d’en juger,
Vaudrait-il mieux en rir’ ou faut-il en crever ?